CHAPITRE 8

EMPERCHEMENT

Dès la première année, il faut s'occuper de l'emperchement, et ne pas faire comme beaucoup de planteurs, qui laissent le houblon courir sur le sol, ou lui donnent pour tuteurs des branches ou des échalas tout au plus bons pour faire monter des pois ; on ne doit pas non plus empercher avec de petites perches qui ne servent qu'une fois et pour la première année seulement, ce qui est une dépense inutile, mais organiser au contraire son emperchement comme si la houblonnière était en plein rapport.

On économise ainsi à l'hectare une somme de 400 à 500 fr. pour l'acquisition de 3000 à 3600 perches, qui ne servent qu'une fois, et si la plantation a été bien faite, on a en outre plus de chance pour obtenir des jeunes plants tout le produit qu'ils peuvent donner la première année.

Il y a deux genres d'emperchement pour faire monter le houblon, les perches en bois et le système mixte des poteaux fixes en bois avec fils de fer. Ces deux systèmes, malgré l'opinion contraire de beaucoup d'auteurs, sont également bons tous les deux et j'essayerai de le prouver dans ce chapitre.

L'emploi de l'un et de l'autre de ces deux systèmes doit être laissé à l'appréciation du planteur. Là où le bois est a bon marché, le sol profond et abrité des vents, il faut employer les perches ; là, au contraire, où les forêts sont rares, le sol peu profond et exposé aux vents, on doit employer des poteaux avec fil de fer galvanisé.

Je vais passer successivement en revue ces deux systèmes. Parlons d'abord des perches.

Les perches à houblon doivent :

  1. avant toute autre condition, être aussi droites que possible
  2. ne pas mesurer plus de 0,30m de tour à 1 mètre de la base ;
  3. avoir au moins 6 mètres et ne pas dépasser 8 ou 9 mètres de hauteur.

Il faut que les perches soient droites pour arriver à une égale distribution d'air et de soleil dans la plantation, et éviter le frottement des cimes entre elles, et par suite la perte des cônes, ce qui arrive toujours par les coups de vent, lorsque les perches ne sont pas droites et se rejoignent au sommet. En outre, une perche droite est plus solide et résiste mieux au vent que celle qui ne l'est pas, parce que son centre de gravité est dans sa base et ne se déplace pas. Les perches ne doivent pas mesurer plus de 0,30m de tour, afin que les tiges de houblon puissent s'enrouler facilement et étreindre la perche sans fatigue; lorsqu'elles sont plus grosses, le houblon s'épuise en tournant autour d'elles et monte difficilement.

Elles doivent avoir au moins 6 mètres de hauteur et ne pas dépasser 8 à 9 mètres, suivant la fertilité du sol ; excéder ces dimensions c'est donner aux tiges du houblon une végétation inutile et les mettre à bois au lieu de les mettre à fruit. Je sais qu'en émettant cette opinion je vais soulever beaucoup d'objections, surtout en Allemagne ou en Alsace j et que personne encore ne l'aura écrit avant moi. On va me dire que la direction du houblon c'est la ligne perpendiculaire, et qu'il tend toujours à s'élever ; que diminuer la hauteur des perches, c'est contrarier son ascension naturelle, et, par contre, diminuer sa production de cônes, etc., etc.; je répondrai que je ne crois pas à l'ascension perpendiculaire du houblon et à l'obligation de laisser perdre une sève précieuse en croissances indéfinies et en productions de bois ; je trouve plus rationnel de contrarier au contraire sa vigueur, pour augmenter son produit en cônes. Plus tard, je traiterai cette question au chapitre du pincement des tiges, et j'espère prouver ma théorie par des faits.

Les meilleures essences à employer pour la fabrication des perches sont, dans les essences résineuses :

  1. le mélèze
  2. le pin noir d'Autriche;
  3. le laricio;
  4. le pin maritime;
  5. le pin d'Alep;
  6. l'épicéa;
  7. l'abies ou sapin argenté;
  8. le pin sylvestre.

Toutes ces essences doivent être écorcées immédiatement après la coupe, et mises a l'eau pendant deux mois avant* d'être employées, On peut en outre en sulfater la base, ou les faire carboniser légèrement vers la partie qui doit rester en terre, et se servir, avec succès, pour cette opération, de l'appareil de carbonisation inventé par M. de Lapparent. Traitées avec ces précautions, les perches peuvent durer de 15 à 20 ans. Elles coûtent en moyenne de 1 fr. à 1 fr. 50 pièce.

Dans les autres essences forestières , les meilleures sont :

  1. l'acacia
  2. le châtaignier
  3. le marsaule
  4. le chêne
  5. le saule
  6. le frêne
  7. la verne ou aune
  8. le tremble.

Pour toutes ces essences, il vaut mieux ne les écorcer que la seconde année ; mais il faut leur faire subir avec plus de soin encore soit le sulfatage, soit la carbonisation, car elles n'ont pas en elles, comme dans les résineux, l'agent de leur conservation, la résine. Elles peuvent durer de 8 à 10 ans au plus, et elles coûtent de 60 cent, à 1 fr.

On doit, dans toutes les espèces de perches employées, laisser un ou deux centimètres de noeuds à chaque couronne de branches. Cela forme des crochets qui aident le houblon à monter.

Lorsque la plantation est finie, à l'aide d'un pieu en bois (fig. 3 - ci-dessus), garni d'une pointe en fer, et muni au sommet de deux manchons, ou d'une tarière (fig. 4 - ci-dessous), on creuse en arrière de chaque plant un trou de 0,66m de profondeur, puis on soulève la perche à deux mains jusqu'à 1,50m du sol, en la tenant droite, on la fait retomber avec force dans le trou. Enfin, avec les pieds, on tasse la terre autour de la perche et on la dresse le mieux possible. L'emperchement est alors terminé.

Parlons maintenant du système des poteaux en bois avec fil de fer. Le premier planteur qui ait eu l'idée de ce système fut un M. Dubois, de Nancy (Meurthe). Mathieu de Dombasle le trouva commode et économique, et, dans sa ferme-école de Roville, l'employa avec succès. Dans ses Annales, à l'article du houblon, il prétend que, pendant sept années consécutives, il se servit de ce système à côté d'une houblonnière emperchée en perches. Les deux houblonnières étaient dans le même sol, avaient la même contenance, recevaient tous les ans les mêmes soins et les mêmes engrais, et l'une et l'autre donnaient chacune le mente produit en cônes. L'avantage restait donc au système des fils de fer, qui coûtait de 50 à 60 fr. p. 100 de moins, et offrait plus de solidité contre le vent, en donnant plus de facilité pour la cueillette. (Voir les Annales de Roville.)

Je vais en dire quelques mots et en offrir un croquis (fig. 5 - ci-dessous).On plante les pieds de houblon H H H H en ligne et à 2 mètres les uns des autres. A l'extrémité de chacune des lignes espacées entre elles de 2 mètres également, et allant du nord au midi, on enfonce un pieu en chêne P un peu oblique ment; on attache à chaque pieu un fil de fer galvanisé n° 18 A A A, muni à chaque extrémité d'un roidisseur R. On fait ensuite, avec deux perches de 2,66m que l'on relie fortement au moyen d'un fil de fer à 0,05m de l'extrémité supérieure, des chevalets C C C, que l'on glisse sous le fil de fer horizontal en écartant les deux montants; on en place ainsi tous les 20 mètres et en ligne; on resserre alors les chevalets, en rapprochant les deux montants, et on obtient une ligne de fil de fer horizontale parfaitement tendue et portée sur la fourche des chevalets à 2 mètres au-dessus du sol. A chaque pied de houblon on place une petite perche de 2,33m F F F, que l'on enfonce de 33 centimètres et dont la hauteur ne dépasse pas 2 mètres au-dessus du sol ; ces perches sont fixées par un lien à la ligne horizontale A A A ; elles reçoivent les tiges du houblon et les conduisent jusqu'au fil de fer; arrivées au fil de fer, les tiges du houblon l'étreignent, s'enroulent horizontalement sur une longueur moyenne de 3 mètres, remontent sur elles-mêmes, et retombent en rideau presque jusqu'à terre, comme au point B de la figure 5. Chaque pied a donc 5 mètres de développement total.

Quand le moment de la récolte est arrivé, on coupe les tiges au ras du sol, on arrache les perches, et on abaisse toute la ligne à 1 mètre au-dessus du sol, en ouvrant les branches des chevalets.

Tel est le système de M. Dubois, expérimenté par M. Mathieu de Dombasle, dans sa fermeécole de Roville.

On l'a perfectionné en remplaçant les chevalets par des poteaux fixes, et les perches par des fils de fer ; de cette façon, il faut moins de main d'oeuvre pour planter ou arracher les perches, et on peut cultiver à la charrue. Ce système convient parfaitement dans un coteau battu du vent, ou dans un parc, lorsqu'on veut ménager des points de vue. Je l'ai expérimenté moi-même et j'en ai été assez satisfait. J'en possède encore 2 hectares, sur un coteau à l'ouest, et le houblon y mûrit parfaitement sans souffrir des atteintes du vent qui, à cette exposition, renverserait des perches. Il a en outre le mérite d'être fort économique, et de ne coûter que le tiers de ce que coûte l'établissement d'une houblonnière avec des perches. Il peut aussi convenir à la petite culture, et aux sols peu profonds dans lesquels on ne pourrait pas planter de grosses perches.

Cette méthode Dombasle, perfectionnée par les poteaux fixes et les fils de fer remplaçant les perches, a conduit tout naturellement, de modifications en modifications, aux différents systèmes employés aujourd'hui en Alsace , ou les perches de sapin deviennent très-rares, et, par conséquent, trop chères; seulement, au lieu de poteaux de 2 mètres, on a pris des poteaux de 11 mètres, et donné à chaque fil de fer 11 mètres également de hauteur (fîg. G). Un perfectionnement bien compris consiste dans une chaîne C C C C en fil de fer, fixe, et reliant les poteaux entre eux. Cette chaîne est destinée à consolider les fils perpendiculaires F F F, que l'on y attache aux points D D D; de cette manière le vent n'a plus d'action et les fils de fer ne se balancent plus, ce qui fatiguait le houblon. En outre, un fil de fer horizontal B B B, courant à 40 centimètres au-dessus du sol, et fixé à chaque pieu des extrémités de la ligne, reçoit les extrémités inférieures des fils perches perpendiculaires, fixées par en haut a demeure ou à crochets mobiles, ce qui permet de les décrocher pour la cueille.

Lorsque le moment de la récolte est arrivé, un homme armé d'une perche très longue et très légère, munie au sommet d'une petite fourche en fer (fîg. 8), soulève le fil supérieur

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