CHAPITRE PREMIER

DESCRIPTION DU HOUBLON

Le houblon (humulus lupulus, L., famille de surticées) est une plante grimpante des climats tempérés; elle est dioïque, c'est-à-dire que les fleurs mâles et les fleurs femelles sont placées sur des sujets différents. Les individus femelles sont seuls cultivés.

La racine ou souche peut vivre trente ans et plus; les tiges grimpantes, après avoir donné leurs fruits, meurent chaque année.

La souche étend ses radicelles par en bas et sur les côtés, et elle est munie partout d'un chevelu abondant. Le pivot, d'un brun noir, mesure de 3 à 8 centimètres de diamètre, et produit tous les ans de nouvelles racines d'un jaune clair, épaisses de 3 à 8 millimètres. Du pivot sortent aussi chaque année des jets latéraux qui tracent entre deux terres et vont sortir du sol à 1 ou 2 mètres du pied mère pour donner naissance à de nouvelles tiges ; ce sont des boutures naturelles par lesquelles la plante cherche à se propager aux dépens du pied mère, qui finirait par périr d'épuisements à la taille, chaque année, on ne coupait ces jets latéraux avec le plus grand soin.
Pendant tout l'hiver, le houblon végète sous terre, et au commencement du printemps, le pied mère et les racines latérales produisent des boutons charnus d'où sortent les sarments. Ces sarments, qui mesurent souvent jusqu'à 2 centimètres de diamètre, sont creux et contiennent une sève sucrée ; ils se composent d'entre-noeuds de 25 à 40 centimètres de longueur; toute leur surface est rugueuse et couverte de petits crochets au moyen desquels ils s'attachent aux tuteurs qu'ils rencontrent , et s'y enroulent pour monter, en se dirigeant toujours de gauche à droite, de manière à suivre le cours du soleil.

La couleur des sarments du houblon varie avec les variétés et le sol qui les produit ; elle est rose, vert bleu, rouge, ou brune; les côtes sont parfois saillantes ou à peine marquées. Cueillis en vert lorsqu'ils sont encore herbacés et avant la formation des feuilles, ils fournissent un aliment sain et d'un goût très-agréable, analogue à celui de l'asperge. Plus tard et lorsque la récolte est faite, ces sarments, coupés en bottes et mis a l'eau comme le chanvre, donnent de très-bonnes cordes et de la toile grossière mais d'excellente qualité. On peut encore les conduire à la papeterie et en fabriquer du gros papier très-solide; enfin, et à défaut d'une destination industrielle, les sarments et les feuilles sont une excellente nourriture pour les vaches et augmentent considérablement la production du lait. En outre, comme je compte le dire plus loin au chapitre des engrais, les sarments et les feuilles du houblon peuvent servir d'engrais en les mélangeant, soit avec des composts, soit avec des engrais fabriqués. On voit que ce produit utile ne doit pas être négligé et qu'il peut rendre des services. Il ne faut donc pas, ce qu'on ne fait que trop souvent, le brûler dans la houblonnière sous le prétexte de s'en débarrasser.

Les feuilles sont opposées lune à l'autre sur les noeuds des liges au nombre de deux ou trois : de leurs aisselles se' développent des rameaux destinés à produire les cônes ; ces rameaux à leur tour sont garnis de feuilles plus petites et de ramilles. Les feuilles, attachées aux tiges par des queues de 1 à 15 centimètres de longueur, arrivent souvent à un développement de 0m20 de largeur sur 0m30 de longueur; elles sont généralement divisées en cinq lobes, avec autant de nervures : leur surface est rugueuse, et les bords découpés en pointes vives ou arrondies, avec des ouvertures plus ou moins grandes entre les lobes; leur couleur varie du vert clair au vert foncé ; au moment de la maturité des cônes, elles jaunissent, et celles de la partie inférieure des tiges se dessèchent et tombent.

Les fleurs mâles sont disposées en grappes sur de faibles rameaux sortant des aisselles des feuilles. Elles se composent d'un calice à 5 folioles sans corolle ; elles portent 5 étamines cachées dans le calice qui avant de s'ouvrir forme une boule ronde, verte et très-lisse; en s'ouvrant en juillet, elles sont blanches et répandent une très -grande quantité de poussière jaune très-fine (pollen) que les insectes et le vent déposent sur les fleurs femelles pour les féconder. Après cet acte, les fleurs mâles se fanent et meurent.

Les fleurs femelles, ou cônes, se forment de juillet en août suivant les variétés et les climats; elles sont réunies en chatons et placées en grappes sur les ramilles sortant des aisselles des feuilles ; ces grappes sont ordinairement placées deux par deux et opposées l'une à l'autre. Chaque fleur se compose isolément d'une petite écaille à la base de laquelle est placé l'ovaire surmonté de deux styles ou aiguilles; ce sont ces petites têtes de fleurs femelles qui donnent naissance aux cônes, lesquels sont de forme oblongue plus ou moins carrée, et atteignent parfois 5 à 6 centimètres de longueur. D'un vert clair d'abord, puis d'un vert jaune ou blanc, ils se colorent en mûrissant et deviennent jaune clair ou jaune foncé, et les écailles des cônes sont ou plus ou moins grosses, plus ou moins ouvertes, suivant les espèces.

Chaque écaille du cône porte à sa base une petite graine qui varie de grosseur, autour de laquelle se dépose au moment de la maturité une poussière jaune contenant une huile aromatique d'un goût acre, et semblable souvent à celui de l'ail : c'est la lupuline. Cette. lupuline est un suc résineux, sécrété par l'écaillé qui protège la graine, et qui se dépose autour d'elle en abondance. A peine visible au moment de la floraison, la lupuline apparaît en grande quantité à l'époque de la maturité ; elle est évidemment destinée à concourir à la nutrition du premier germe lors de son évolution dans la terre.

Les cônes fécondés renferment de grosses graines brunes ou noires, et une poussière rougeâtre, très-grossière; les écailles s'ouvrent à la maturité et laissent échapper sur le sol les graines et la poussière. Les cônes au contraire qui n'ont pas été fécondés faute de pollen renferment à peine des vestiges de graines qui sont molles et blanchâtres ; mais, dans ces cônes, la lupuline reste d'un beau jaune d'or, et conserve son odeur, sa force et toute la finesse de son grain ; c'est la partie la plus essentielle de la plante, c'est elle qui fournit L'élément indispensable à la fabrication et a la conservation d'une bonne bière agréable au goût.

A l'état sauvage, le houblon croît avec vigueur dans les forêts -des vallées bien exposées au soleil, abritées contre les vents, et au bord des champs ou des rivières; on le rencontre dans les sols les plus opposés croissant avec force et grimpant sur les arbres voisins, dont il se fait des tuteurs. Il n'existe en fait de houblon sauvage qu'une seule "et unique espèce, malgré des différences sensibles de couleurs et de formes dues aux sols ou aux expositions différentes,

Avec le temps et la culture, cette seule et unique espèce a produit différentes variétés très faciles à distinguer entre elles par la couleur, la forme des feuilles, la richesse en lupuline et la forme ou la précocité des cônes; mais ces caractères distinctifs ne sont pas toujours constants, et ils se modifient presque tous après une plantation prolongée, suivant l'exposition et le climat , la nature du sol et le mode de culture.

Pour éviter ces transformations, il n'y aurait qu'un seul moyen : ce serait de faire des semis avec soin, d'étudier les caractères des jeunes plants, et de ne propager que les variétés reconnues bonnes; pendant quelques années on serait certain de la pureté des plants, et en les renouvelant par semis, tous les dix ans seulement, on aurait des sujets très-vigoureux et d'excellents produits. Les arbres et les végétaux venus par semis sont en principe plus vigoureux et plus féconds que ceux multipliés par éclat, greffe ou bouture. Il en serait de même pour le houblon.

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